
Le Tribunal économique administratif central (TEAC), dans sa résolution du 22 février 2024, aborde la question de l’accréditation tardive des déductions dans le cadre de l’impôt sur les sociétés (IS), en se concentrant spécifiquement sur les activités de recherche, de développement et d’innovation technologique (R&D&I).
La Direction générale des impôts (DGT) offrait aux contribuables deux options pour créditer les déductions qui n’étaient pas incluses dans l’autoliquidation pour la période au cours de laquelle elles ont été générées : (i) rectifier l’autoliquidation de la période de la déduction ou (ii) inscrire la déduction dans une autoliquidation d’un exercice ultérieur, même si l’année initiale était déjà prescrite. Cette approche plus souple facilitait la gestion fiscale des entreprises, en particulier dans les cas où il n’était pas certain que les conditions requises aient été remplies au moment du dépôt initial.
Toutefois, le 24 juin 2022, la DGT a radicalement modifié ses critères par le biais des réponses V1510-22 et V1511-22, établissant que les déductions devaient être créditées exclusivement dans l’autoliquidation de l’année au cours de laquelle les dépenses ont été générées (c’est-à-dire par une rectification de l’autoliquidation), sans possibilité de le faire dans les années suivantes si l’année d’origine était prescrite.
La Cour suprême, dans son arrêt du 24 octobre 2023, a indirectement répondu à cette controverse. Bien que la question n’ait pas été directement résolue en raison de motifs procéduraux, le jugement a exprimé un avis favorable à l’égard de l’accréditation tardive des déductions, sans qu’il soit nécessaire de rectifier les autoliquidations précédentes, dans les cas où le contribuable ne disposait pas des informations nécessaires pour justifier la déduction à ce moment-là.
Le TEAC, dans sa résolution de février 2024, se prononce pour la première fois à la suite de cet arrêt de la Cour suprême. Le cas spécifique concernait une entité demandant la rectification d’autoliquidations pour des années prescrites afin d’inclure des déductions pour l’innovation technologique correspondant aux dépenses encourues au cours de ces années. Le TEAC conclut qu’il est possible de créditer et d’appliquer des déductions R&D&I dans les années postérieures à celles où les dépenses ont été encourues, à condition que les exigences légales et la période de 18 ans pour l’application de la déduction soient respectées, même si des exercices sont prescrits. En outre, l’Inspection est tenue de vérifier la validité des dépenses encourues qui sont déductibles
Cette déclaration du TEAC représente un critère favorable pour les contribuables car la possibilité de créditer les déductions R&D&I générées au cours d’exercices antérieurs est reconnue sans qu’il soit nécessaire de rectifier les autoliquidations des exercices au cours desquels le droit a été généré, à condition qu’ils soient dans le délai d’application de la déduction (c’est-à-dire 18 ans). Cela peut impliquer un changement significatif dans la pratique administrative future et un allègement pour les entreprises qui n’ont pas pu créditer ces déductions à l’époque en raison du manque de certitude quant au respect des exigences.
Il est important de noter que, bien que ce critère du TEAC ne soit pas encore contraignant pour l’administration fiscale, il permet à la DGT de revoir et d’assouplir la réglementation. Les contribuables concernés doivent être au courant des déclarations futures du TEAC et réfléchir à l’impact que ce nouveau critère pourrait avoir sur leurs stratégies de déduction et leurs demandes de rectification d’autoliquidation en cours.
En conclusion, la résolution du TEAC, du 22 février 2024 marque un tournant dans l’interprétation et l’application des déductions R&D&I dans le cadre de l’impôt sur les sociétés. Bien qu’il s’agisse d’une décision unique, sa pertinence et le soutien implicite de la Cour suprême suggèrent une évolution possible vers une plus grande flexibilité et une plus grande sécurité juridique dans l’accréditation de ces déductions fiscales.