Depuis un certain temps, on ne cesse de lire dans les médias les actions de l’Administration fiscale contre des personnalités bien connues (plusieurs ministres, journalistes de radio, sportifs et influencers, entre autres) en raison de l’utilisation de sociétés pour exercer des professions indépendantes ou d’autres activités ou services intuitu personæ.

Le principal argument de l’Administration pour mener à bien ces actions réglementaires est la réduction fiscale par l’utilisation de sociétés dont les taux d’imposition sont de 25 %, par opposition à l’impôt sur le revenu des personnes physiques dont les taux marginaux peuvent atteindre 54 % selon la communauté autonome.

Il convient de noter que cette réduction est un problème qui aurait déjà dû être résolu, étant donné que l’associé professionnel ne peut pas faire un usage privé de l’argent ou des biens de la société, mais que ceux-ci doivent être liés à l’activité de l’entreprise. Si l’associé souhaite utiliser cet argent, il devra percevoir des dividendes qui, en plus de ce qui est déjà imposé au titre de l’impôt sur les sociétés, peuvent être imposés à celui mentionné 54 %. Tout au plus peut-on parler de report d’impôt.

Il convient de rappeler alors que la création et l’utilisation d’une société pour l’exercice d’une activité commerciale est un acte légitime, même souhaitable, car outre le terrible enchevêtrement fiscal dont nous parlons, ces instruments juridiques permettent de limiter la responsabilité des associés, de faciliter l’acquisition de capitaux et d’assurer une certaine crédibilité sur le marché.

Curieusement, la question fiscale ne porte pas sur l’utilisation d’une société comme véhicule pour la prestation d’un service, mais sur la rémunération des associés. Combien un associé doit-il gagner pour son activité professionnelle ?

Dans de nombreux cas, l’Administration fiscale considère que les services fournis par la société sont intuitu personæ et attribuent la totalité des revenus à l’associé, comme s’il n’y avait pas eu de société, considérant que les services n’étaient pas fournis aux prix du marché.

Si une étude de marché réelle était réalisée, on pourrait constater que de nombreux cabinets professionnels disposant de ressources matérielles et humaines consacrent une partie de leurs bénéfices à des investissements dans leur propre entreprise, une autre partie des bénéfices obtenus restitue le capital sous forme de dividendes et, enfin, d’autres restituent l’activité des associés. De plus, dans une situation de marché il serait très difficile de trouver une entreprise qui distribue 100 % de ses bénéfices à ses membres en échange de services rendus.

L’analyse des derniers arrêts montre que les tribunaux ne partagent pas toujours le point de vue de l’Administration fiscale et que, dans la moitié des cas, le contribuable a obtenu gain de cause.

On peut affirmer qu’il existe sans aucun doute un dénominateur commun dans les cas où le contribuable a réussi : en plus de l’associé professionnel, les sociétés disposaient de ressources matérielles et/ou humaines qui correspondent généralement à des employés jouant un rôle important dans le développement de l’activité de l’entreprise.

Toutefois, ce n’est pas la seule raison pour laquelle les tribunaux ont donné gain de cause aux contribuables. Les contrats jouent également un rôle fondamental dans la détermination des services qui peuvent être considérés comme intuitu personæ et ceux qui ne le sont pas. La Cour nationale, par exemple, précise que les honoraires perçus en contrepartie de la prise de risques pour la réalisation d’objectifs (success fee clause) ne peuvent être considérés comme des services intuitu personæ.

En tout état de cause, il semble qu’en se concentrant uniquement sur l’aspect fiscal de cette question, les autorités oublient souvent que la solution qu’elles proposent (attribuer la totalité des revenus à l’associé professionnel) conduit à la décapitalisation des entreprises.

Cette décapitalisation signifie que la société ne pourra pas faire face à des réclamations de tiers pour ne pas avoir de fonds, tandis que les actifs de l’associé seront à l’abri de toute perte (cette forme d’action ne pourrait-elle pas être considérée comme détournements de biens ?). La même situation rend très difficile l’accès au financement, que ce soit par l’intermédiaire des banques ou de capitaux tiers.

L’associé se retrouve alors face à deux options : soit il met en danger son propre patrimoine par le biais de garanties (comportement contraire au but de la création d’une société), soit il laisse tout simplement mourir la société en cas d’urgence. Par conséquent, les principales victimes seraient les tiers qui pourraient réclamer n’importe quel montant à la société.

D’un point de vue rationnel, il serait souhaitable de rechercher une différenciation claire entre le patrimoine personnel des associés et le patrimoine des sociétés et, bien entendu, d’exiger que les sociétés possèdent le patrimoine nécessaire à l’activité qu’elles exercent et qu’elles conservent donc une partie des bénéfices obtenus.

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